Dégaines de loubards, grosses mécaniques pétaradantes, casques de protection flamboyants, lunettes fumées, blousons sérigraphiés des noms et symboles de leurs clubs, blue jeans, bottines et gants de cuir lustrés. À les voir, on se croirait à un road trip sur les énormes voies asphaltées du Texas, de New York ou de San Diego. Que nenni, nous sommes bien à Yamoussoukro capitale de la République de Côte d‘Ivoire. C‘est le mois de décembre et le club de motards MACI (Moto académie de Côte d‘Ivoire ) organise comme chaque année à la même période le Festival Ivoirien de la Moto en abrégé FIM. Dans cette communauté où l‘on entretient plus qu‘ailleurs une forte culture de groupe et de la solidarité, sont présents à ce grand rassemblement, tous les clubs de motards ivoiriens. NRA, Riders Club, TMax club, M13 Riders, MACI et tutti quanti. Même si l‘on est loin des shows des pin-ups qui enflamment les nuits de rencontres de motards aux USA, l‘ambiance est à la bonne franquette. Le temps d‘un week-end, la ville de Yamoussoukro d‘ordinaire taciturne sort de son silence de monastère et vibre au son des parades de motards. Harley Davidson, Yamaha, Honda, Tmax, Kawazaki, BMW et autres marques de moto font une procession vrombissante dans les grandes artères de la ville tandis que des foules de badauds forment une haie de part et d‘autres de la route. Émotions, agitations et ovations ponctuent les rodéos aussi impressionnants qu‘audacieux auxquels se livrent les saltimbanques du jour.
Sous nos latitudes, les rassemblements de motards sont perçus comme exotiques, épiques, excentriques, tonitruants, effrayants, extravagants et les motards sont considérés comme des personnes atypiques, originales et un tantinet loufoques.
Mais mieux vaut ne pas se fier aux apparences. Derrière leurs carapaces de gros durs à l‘allure de bad boys se cachent des personnes somme toute normales aux profils professionnels des plus variés. Ces gens qu‘on regarde parfois de travers et qu‘on juge assez hâtivement sont loin de l‘image qu‘on se fait d‘eux. Juristes, homme d‘affaires, chefs d‘entreprise, cadres supérieurs, travailleurs libéraux etc., les profils professionnels de ces motards qu‘on voit en général les week-ends plastronner sur leurs motos sont aussi divers que variés. Et si leurs congénères d‘occident traînent une réputation de voyous, les motards ivoiriens sont des gens parfaitement intégrés dans la société. Mûs uniquement par un désir d‘aventure, le goût du risque calculé, les longs voyages à la découverte d‘espaces toujours plus éloignés et toujours plus inattendus.
Le club NRA (Never Ride Alone) par exemple, organise tous les mois, une sortie hors de la métropole d‘Abidjan. Porté sur les fonds baptismaux en 2017, ce club de près d‘une quarantaine de membres qui obéissent à un code d’honneur fondé sur l’amitié, le respect et la solidarité est l‘un des plus structurés du pays. La particularité du club NRA c‘est que ses membres enfourchent tous des motos de type custom de marque Harley-Davidson, Yamaha, Excelsior ou Henderson, aux couvercles de carter chromés et tuyaux d’échappement en acier poli. Cette catégorie de moto un peu à part est le reflet le plus affirmé de l‘esprit rebelle porté par le motard. Le club NRA est l‘un des clubs de motards ivoiriens les plus américanisés. Par l‘allure, les codes mais aussi par la philosophie et le goût des longs voyages en bande. Il y‘a dans les parades du NRA, un air de film hollywoodien. Il y‘a deux ans, la star du reggae Alpha blondy les a même sollicité pour le tournage de son clip Whole lotta love qui revendique plus de 5 millions de visionnage sur YouTube.
Outre les sorties mensuelles, le club NRA est également actif dans le domaine du social. Ainsi, ses membres participent régulièrement à des activités de bienfaisances en faveur des couches défavorisées.
Depuis la dernière décennie, il y a en Côte d‘Ivoire, un regain d‘intérêt pour la pratique de la moto comme sport et activité récréative. Seul ou en groupe, sous le soleil sans pardon des tropiques ou sous les pluies drues en saison pluvieuse, en agglomération ou sur les grandes aires d‘autoroute, il est devenu coutumier de rencontrer des motards à califourchon sur leurs engins.
L‘histoire des bikers
Les bikers sont nés avec le club des Hells Angels apparu aux États-Unis à la fin des années 40. Leurs pères fondateurs sont des vétérans de l‘armée de l‘air américain, les héros intrépides des combats aériens contre les chasseurs bombardiers japonais en Asie. À la fin de la guerre, tous ces hommes se retrouvent un peu laissés pour compte, en marge de la société. De plus, ils se trouvent un peu sevrés d‘adrénaline. Il y‘a eu la vitesse, le sentiment de liberté qu‘offre la possibilité d‘être aux commandes d‘un avion. Ils aiment les moteurs et l‘odeur de l‘essence alors tout naturellement, ils optent tous pour la moto pour tenter de retrouver ces sensations qui leur manquent tant. Ainsi, ils créent une organisation quasi tribale qui conserve un semblant d‘hiérarchie militaire et dont le nom est un hommage à la forteresse volante de l‘US AIR FORCE. Les Hells Angels Constituent donc le premier club de motards de l‘histoire. En Côte d‘Ivoire, le club Eléphants Bikers beaucoup moins actif ses dernières années est l‘un des premiers clubs de motards ivoiriens. Constitué d‘hommes issues de la bourgeoisie locale, les Eléphants Bikers peuvent être considérés comme les précurseurs des clubs de motards. Ayant presque tous séjourné aux USA, les membres de ce club ont voulu dupliquer l‘esprit des clubs de motards américains ici avec en moins les frasques et les déboires judiciaires. Une pratique de la moto fondée uniquement sur l‘amour des grosses cylindrées et des longs voyages en groupe. Contrairement aux motard criminalisés d‘Hexagone, ceux de la Côte d’Ivoire sont plus policés. Depuis toujours, deux choses relient tous les motards entre eux: l’amour de leur moto et le sentiment de liberté qui va avec.
Les femmes et la moto
Les femmes sont très peu présentes dans la communauté des motards. On en dénombre une petite quinzaine. Le monde de la moto est dominé par les hommes. Et ce n‘est pas une singularité ivoirienne. Si dans les pays voisins tels que le Burkina Faso, le Mali ou le Bénin, les femmes chevauchent des motos, il s‘agit de petites cylindrées pas très puissantes dont la vocation est essentiellement utilitaire. Les femmes ne pratiquent pas la moto comme activité sportive et elles en font encore moins un objet de passion. Par contre, en occident, il y‘a de nombreuses femmes qui pratiquent la moto et font parties des clubs. Mais leur nombre reste marginal par rapport à celui des hommes. Même si certaines femmes sont attirées par la moto, elles hésitent à franchir le pas pour mettre le pied à l‘étrier. Les pesanteurs sociologiques, le poids des préjugés et le qu‘en dira-t-on freinent leurs envies. Elles préfèrent voir de loin cette activité.
Les accidents
Même si l‘on ne dispose pas de chiffres précis, on peut toutefois avancer que les motards sont victimes de nombreux accidents mortels moins souvent de leurs faits que de celui de certains automobilistes indélicats. Sur les réseaux sociaux, il n‘est pas rare de voir des images d‘accidents d‘une violence inouïe. Dj Arafat, Jean-Marc Guirandoux, Ben de l‘ex groupe Yango et bien d‘autres illustres et anonymes ont péri dans des accidents aux commandes de leurs motos. Pour tenter de réduire de façon significative, les accidents mortels, les clubs de moto organisent régulièrement, des séances d‘éducation routière à l‘attention de leurs membres et exigent que ces derniers se munissent de tous l‘attirail de protection avant de prendre la route. Cela suffit-il ? Assurément non. On devrait aussi étendre ces séances de formation aux automobilistes qui bien souvent par leurs méconnaissance du code de la route et leurs manques de courtoisie créent souvent des accidents.
Vivement que ces formations parviennent jusqu’aux autres usagers de la route, il y a eu trop de nos confrères motards décédé injustement..