C’est avec « Debout–payé », paru en 2014 aux éditions Attila qu’Armand Patrick Gbaka-Brédé dit Gauz, signe son acte de naissance dans la littérature. D’emblée, ce qui n’était qu’un essai se transforme en coup de maître. Les critiques s’emballent et le public le plébiscite. L’histoire d’un vigile « Black » qu’il conte, semble être un prétexte pour un écrivain habile et inspiré. En effet, de son regard affûté avec humour et réalisme, Gauz nous entraîne dans l’univers des vigiles, ceux qui sont payés pour être debout devant les boutiques. Il narre, les situations cocasses auxquelles ces mecs baraqués font face. Il y’a aussi une certaine profondeur du regard qui porte sur la frénésie pour les marques de luxe, les soldes etc. Mais aussi, le quotidien des immigrés africains en hexagone.
« Debout-payé » sera récompensé par la première édition du Prix des libraires Gibert Joseph. S’agissait-il d’un coup de chance ? Il a fallu attendre 4 ans pour en avoir la réponse. Lorsqu’il remet les couverts, avec « Camarade papa », il obtient le plus réputé des prix littéraires d’Afrique, le fameux Grand Prix littéraire d’Afrique, l’équivalent littéraire de la coupe d’Afrique de football. Une œuvre qui frappe tant par son originalité stylistique que thématique. Un livre hautement militant qui remet au goût jour l’histoire de la colonisation contée de façon inattendue.
Deux livres, deux prix, c’est dire que Gauz se positionne d’emblée comme un écrivain de talent qui vient tordre le cou à un poncif: à savoir que l’écriture, la belle, ne dépend pas du niveau de langue. À tort, beaucoup pense qu’il faut écrire dans un français sophistiqué et alambiqué pour faire du style. Gauz démontre que la belle écriture c’est la musicalité, l’ondoiement lyrique des mots. Sur Facebook et Twitter, il gratifie ses abonnés de ses saillies disons ses punchlines pour être moderne. En orfèvre des formules qui font mouche, il publie régulièrement et finement son point de vue sur l’actualité. On ne peut ne pas être d’accord avec ses positions mais nul ne peut lui denier son habilité ( au sens étymologique) à travailler les mots. Gauz, c’est un artisan-artiste, un sculpteur de phrases, un styliste, un écrivain, un vrai.
Pour s’en convaincre, il faut lire son dernier né « Black Manoo » , qui porte la prose à des hauteurs prodigieuses. Trois romans, et aucun bide. La Côte d’Ivoire peut se targuer d’avoir enfanté un écrivain de grand talent de la trempe de d’Ahmadou Kourouma qui casse les conventions de la langue, sort des sentiers battus, et réussit un exercice compliqué à savoir écrire simplement et bellement. En attendant son quatrième ouvrage, nous vous conseillons si ce n’est pas encore le cas, de vous procurer l’ ensemble de ses œuvres. Vous lirez des mots qui chantent et dansent, des phrases qui tancent, des stances qui tonnent, grondent parfois et grognent toujours.
Il y’a bien longtemps qu’on attendait, un tel écrivain. Il est là. Profitons-en.