Sans lui, Fela Anikulapo Kuti (1938-1997), n’aura probablement pas connu le succès qui fut le sien. Batteur de génie, et directeur musical d’Afrika’70, le groupe de Fela, de 1968 à 1979, Tony Allen aura eu un rôle déterminant dans l’invention de cette pulsation unique, mélange de highlife ghanéen, de rythmes yorubas, de funk américain et de jazz.
Tony Allen est mort jeudi 30 avril à Paris, à l’âge de 79 ans.
Né le 20 juillet 1940 à Lagos, Tony Oladipo Allen s’était fait plaisir à la guitare, au saxophone et à la contrebasse avant de se mettre à la batterie. La complicité avec Fela durera jusqu’à ce qu’il souhaite s’émanciper pour vivre sa propre histoire. Cette quête d’indépendance l’amènera à Londres en 1984, puis à Paris en 1986. Entre les deux capitales, il enregistre en 1989 l’album Afrobeat Express pour le label Cobalt. Dans la foulée de la sortie de ce disque qui relançait Cobalt après quelques années de sommeil, Tony Allen se programmait pour la première édition d’Africolor en décembre 1989.
Après une pause, le musicien signe en 1999 l’album Black Voices, un mélange d’afrobeat, de funk et de musique électronique. Ce son va lui permettre de toucher un public qui ignorait tout de lui. Sa carrière redémarre, jalonnée de rencontres marquantes, notamment celle avec le musicien britannique Damon Albarn, leader des groupes Blur et Gorillaz, qui lui confie en 2006 la batterie au sein de son nouveau projet, The Good, the Bad and the Queen. Tony Allen qui aimait les défis dans la musique disait alors : « Plus le musicien vient d’un univers musical différent, plus cela m’excite ».
Ces dernières années, il était intervenu sur l’album Mogoya (2017) de la diva malienne Oumou Sangaré et sur Celia (2019), l’hommage d’Angélique Kidjo à Celia Cruz.
« Tony m’a appris l’essence même de ce qu’était l’afrobeat » témoigne la chanteuse brésilienne Flavia Coelho, qui s’était offert les services du maestro pour Mundo Meu (2014).
Il me disait souvent qu’il faut caresser les instruments, par rapport aux accords et aux mesures.
« Il est connu pour ses grooves, mais c’était un batteur qui pouvait vraiment jouer une chanson, s’adapter, complète la Londonienne Susheela Raman. C’est un grand honneur d’avoir travaillé avec lui pour mon album Love Trap, en 2002, et d’avoir été son amie. »
Maury Legran.